Cocorico

1 Du bilinguisme wallon Magazine TRIMESTRIEL N°68 / 1er trimestre 2024 Le numéro 2,50 € Expéditeur : Paul Lefin UCW / Rue Surlet, 20 4020 LIEGE BUREAU DE DEPOT LIEGE X / N°agr. P601169 België-Belgique PB-PP 9/2809 COC RICO 87ème Coupe du Roi au Trianon de Liège Samedi 1er juin 15h00

2 Coc rico Magazine Le journal du bilinguisme wallon Editeur responsable : Paul LEFIN 04/3426997 Rue Surlet, 20 4020 Liège Trimestriel tiré à 4000 ex. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région Wallonne. Avec le soutien du Conseil des langues régionales endogènes Numéro d’entreprise : 478.033.816 Siège Social et Rédaction : Rue Surlet, 20 4020 LIEGE 04/342.69.97 E-mail : secretariat.ucw@gmail.com URL: www.ucwallon.be Comité de rédaction : Monique TIERELIERS Sabine Stasse Joseph BODSON Michel HALLET Bernard LOUIS Johan viroux Imprimerie AZ PRINT : 6, rue de l’Informatique 4460 Grâce-Hollogne Tél. 04/364.00.30 ABONNEMENTS 4 numéros par an : 10 € BE90- 0012-7404-0032 de UCW éditions Soutien du Ministère de la Communauté française, en particulier celui de la Direction générale de la Culture – Service général des Arts de la Scène – Service Théâtre IN MEMORIAM : PATRICIA POLEYN Chère Patricia, Tu as commencé ton parcours théâtral avec le cercle Excelsior de La Louvière avec lequel tu as remporté le Grand Prix du Roi Albert (GPRA) avec un spectacle de toute beauté dont je me souviens toujours : Elisa inimâdje. Tu as rejoint ensuite le cercle des Amis des trois Coups d'Haine St Pierre et le Conseil d'Administration de l'Union Culturelle Wallonne (UCW) où tu es bien vite devenue Déléguée aux formations et aux relations internationales. Dans un premier temps, tu as organisé les stages pour adultes en internat à la Marlagne avec les plus grands metteurs en scène et enfin dès 2002 les stages pour ados à Borzée, puis à Rossignol et enfin à Vierves.. Des centaines de jeunes se souviennent de toi. Que de beaux moments passés en ta compagnie lors de ces stages où tout était réglé dans les moindres détails: réservations, thèmes, réunions des formateurs, programmes, etc.. Pour ton implication dans la défense de notre wallon, de son théâtre, de son avenir : Merci Pat Pour tous ces bons moments passés en ta compagnie : Merci Pat Repose en paix avec tous ces auteurs, comédiens, responsables wallons. Nous penserons toujours à toi. Léon Hansenne

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4 Pour la trentième fois, il s'est déroulé comme prévu du 20 au 25 novembre 2023. Un événement incontournable dans le petit monde du wallon. Bravo pour cette constance ! Un cas de force majeure nous a empêché d'y assister et d'en faire l'habituel compte rendu. Cinq troupe se sont affrontées durant la semaine, avec autant de comédies en 3 actes. Le Cercle royal dramatique « L'Union warnantaise » (qui fête son centenaire) avec « L'Ardènète dîjes-ans pus taurd » d'Albert Scohy, mise en scène par Christian Carly ; le Cercle Saint-Pierre de Biesmerée avec « Les Coucous » de Guy Grosso et Michel Modo, mise en scène par Claudine Mauclet ; Li Royal Cercle wallon andennais, avec « Dolorès » de Joëlle Delahaut et Philippe Decraux, mise en scène par Éric Rasquin ; Li Soce dès Falîjes de Namêche avec « Amoûr... saucisse...èt ârsinic » de Edgar Hespel, mise en scène d'Albert Delvigne ; la Compagnie royale « Les Échos de Naninne » avec « Malète à sous, si... » de Philippe Decraux, mise en scène de Benoît Hubert. Festival de Théâtre wallon à Ciney

5 C o m m e d'habitude le public est venu en masse. Les abonné(e)s ont pu voter pour le Prix du Public. La note moyenne fut de 8,435 et Naninne est sorti du lot avec presque le maximum : 9,595. C'est dire si l'on s'est bien amusé au Théâtre communal de Ciney. « Les Échos de Naninne » auront l'honneur d'assurer la représentation de gala au terme de la semaine du prochain festival, le samedi 23 novembre 2024. Cette année, le gala fut assuré par la compagnie liégeoise mais néanmoins plusieurs fois présente à Ciney « Dè Pôce a l'Orèye » (Remicourt-Bergilers) ; elle joua « Lès Colocs », comédie pour ses jeunes en un acte de Carine Martin qui assura également la mise en scène, puis « Oh ! L' pourcê », comédie en 2 actes d'après « Un beau salaud » de Pierre Chesnot, adaptation de Jean-Luc Derwa ; mise en scène : Étienne Stassart et Pascal Lambrechts. Le rideau est tombé. À l'an prochain. BL

6 « Qué bia bouquèt ! » Anthologie sonore du wallon namurois Ce livre de 275 pages contient 95 textes et poèmes écrits en wallon namurois avec leur traduction française en regard. On peut aussi les écouter grâce aux 2 disques au format CD logésdans la couverture. L’illustration de couverture est réalisée par le bédéiste Alexandre de Moté. L’impression est assurée par la Ciaco de Louvain-la-Neuve. 1. Paul Gilles, l’initiateur du projet Il est né à Villers-lez-Heest en 1930 mais c’est à Meux qu’il va passer toute son existence. Ingénieur technicien en électronique, il fera sa carrière à la RTBF-Namur. Passionné par l’histoire de son village et, plus globalement par les traditions de Haute-Hesbaye, notre Meûtî écrit de nombreux articles en français et en wallon, en particulier Lèsûsances di nosse payis di Ôte Èsbaye. Paul est également passionné par la langue wallonne. Il entre chez les Rèlîs Namurwès dès 1968. Vers la fin de sa carrière professionnelle, il devient animateur d’émissions radiophoniques. 2. Pourquoi une anthologie sonore ? Les objectifs. Il devient rare d’entendre du wallon et souvent, le wallon entendu est truffé de français, il s’agit plutôt de « franlon ». Dès lors, le projet des Rèlîs en publiant cette anthologie sonore est de donner à entendre du wallon, et de rendre accessible un wallon de qualité. Un autre objectif encore, c’est de donner l’envie et le goût de lire la très riche littérature wallonne, beaucoup trop méconnue. 3. Le choix du titre « Qué bia bouquèt ! » C'est, bien sûr, un clin d’œil à Nicolas Bosret, l’auteur, en 1851, du Bia Bouquèt, cette chanson qui est vite devenue l’hymne officiel de la Ville de Namur… et des Fêtes de Wallonie. Ce qui se sait moins, c’est que Nicolas Bosret a écrit cette chanson dans une maison de la rue Saint-Nicolas… qui – hasard ou prédestination ? – est devenue récemment le nouveau local des Rèlîs Namurwès. 4. Informations pratiques Qué bia bouquèt ! est vendu au prix de 18 euros. Ce prix relativement modique a été rendu possible par les dons et subsides reçus et les Rèlîs Namurwès remercient les institutions et associations qui ont permis la réalisation de cette anthologie sonore.

7 On peut la commander auprès de Joseph DEWEZ joseph.dewez@skynet.be (ajouter les frais de port de : 8,75 euros). Elle sera également en vente dans les librairies suivantes : • Au Vieux Quartier, rue de la Croix, 30, Namur • Librairie CDD, rue du Séminaire, 11 B, Namur • Librairie D Livres, rue Grande, 67 A, Dinant • Librairie Étienne Leroy, chaussée de Namur, 186, Leuze-Longchamp • Franlu, chaussée de Dinant, 874, Wépion • Lipajou, place des Tilleuls, 6, Bouge • Papyrus, rue Bas de la Place, 16, Namur • Point Virgule, place Saint-Aubain, Namur • Antigone, place de l’Orneau, 17, Gembloux • Colégram, avenue de la Station, 105, Gembloux. Pour télécharger le dossier de presse : https://relis-namurwes.be/antho23.htm

8 Bernard Baumans, A magn à l’ours, Micromania, 2023, 145 p., El Môjo dès Walons, boulevard Roullier, 1, 6000 Charleroi. Il s’agit en fait d’adaptations en picard borain de chansons de Georges Brassens. Il m’est arrivé souvent de lire en des revues wallonnes, surtout de Liège, des traductions/adaptations du même Brassens. Bien plus nombreuses que celles d’autres chanteurs. Et il est vrai aussi que même à la radio, Brassens résiste mieux à l’usure que la plupart de ses contemporains. Pourquoi ? Sans doute par sa simplicité, une sorte de rudesse, de refus de la publicité, le sens aussi de l’amitié, d’une certaine chaleur humaine qui ne triomphe pas toujours dans les studios. Ses rapports avec ses musiciens, avec son public émeuvent en nous une fraternité dont notre monde d’aujourd’hui paye durement l’absence. C’est à cette source que Bernard Baumann a abondamment puisé, et je dois dire que la réussite est totale. Au point que j’ai envie d’aller faire un tour, un prochain lundi, au marché de Quaregnon, ou au marais de Cuesmes – on ne sait jamais – pour y retrouver ne serait-ce que l’ombre de Brassens. Bien sûr, des puristes s’en prendront à LIVRES NOUVEAUX EN WALLON Une chronique de Joseph Bodson sa grossièreté, à son machisme pour le renvoyer dans les latrines populaires. Mais sa grossièreté est celle de Villon et de Rutebeuf, celle de Rabelais et de Clément Marot, et ce n’est pas sa faute si le français est devenu langue académique. Il y a dans les Sabots d’Hélène, dans l’Auvergnat, dans les Bancs publics, une gentillesse, une pudeur que l’on chercherait en vain chez Montherlant et même chez Claudel. Après tout, honni soit qui mal y pense…

9 Excusez ce long détour, car c’est bien de Bernard Baumans que je veux parler, et rejeter d’emblée tout ce que certains puristes pourraient lui reprocher, ainsi qu’à son patron. Non, notre belle langue picarde ne souffre en rien de ces adaptations, car il s’agit bien d’adaptations, et non de traductions littérales. De langue à langue, et de peuple à peuple : et cela fonctionne bien, je peux vous l’assurer. Bernard Baumans est un excellent tailleur, rien, en ses textes, qui pèse ou qui pose. Je vous le disais, à chaque coin de rue, on s’attend à croiser Brassens. Ecoutez-le plutôt, et jouons à ce petit jeu : devinez de quelle chanson de Brassens il s’agit, en ces quelques citations : « Ël pus grosse dès côdës donzèles,/ In ouvrant t’t-a sès côps ĕs’ corsèt, / Baye ‘ne chafe avé sès mamèles/ Ô marchand d’ougnons d’a costé. / Dë ramint’vance dès djins du rivâje, / Dë Djumapes èyét dès Manoûs, / On n’a djamins vu tél rang’nâje, / É dèminche al Baraque Tacou. » « La plus grosse des chaudes demoiselles, / En ouvrant tout à coup son corset, / Donne une beigne avec ses mamelles / Au marchand d’oignons d’à côté. / De mémoire de gens du rivage / De Jemappes et de Baudour, / On n’a jamais vu tel remue-ménage, / Un dimanche au Théâtre Tacou. » Ou bien : « Mèrci branmint dès côps, coumére / Pou l’ morchô d’ pégn, ël pëtit vêre / Qui tout-intîr m’a r’mis d’asto / Quand dë sto pus sèc qu’é vié clô. / Quand lès cras monseûs, lès boutchîs / Pètont’ yeûs panches a s’ fé morî,/ Ont ri in m’ viyant dins mès loques / Ét n’ m’ont djamins bayé ‘ne mastoke. / Ça n’èstot foc é mortchô d’ pégn / Mès d’ê pu r’prinde insi m’ këmégn / Èyèt continwér a cantér / Come si d’awo fêt grand dénér. // Coumére, quand i vous foura fé / Ël cutourniô a r’vwâr dalé, / Vous diréz pus fèl qu’ène aronde / Vîr Nou Pé du monde. Merci beaucoup ma bonne dame/ Pour le morceau de pain, le petit verre / Qui tout entier m’a remis debout / Quand j’étais plus sec qu’un vieux clou. / Quand les bourgeois, les gourmands / Se pétaient la panse à se faire mourir, / Ont ri en me voyant dans mes guenilles / Et ne m’ont jamais donné un sou. / Ce n’était qu’un morceau de pain / Mais j’ai pu reprendre ainsi mon chemin / Et continuer à chanter / Comme si j’avais fait un festin. // Bonne dame lorsqu’il vous faudra faire / Le grand saut vers l’au-delà,/ Vous irez plus vite qu’une hirondelle / voir Notre Père du monde. » Stop ou encore ? Allez, un dernier couplet, pour la route : « Ël cwêr dë Musète / Ën sawot gné cantér, / Lès porions dël fosse / L’aront vol’tiérs loumé d’souyète, / Mès l’ pêtite Musète / Dalot rach’ner sès gayètes / Tout in brêyant su l’ tèri d’ l’Ôflète, / Li qui n’èst foc é tchon, « Ën’ brê pus djon.nète, lèye la tès gayètes, / Ërvié avé t’ kèrton ! »

10 Jean-Pierre Lambot, Brumes, Journal intime d’un Ardennais. Photos de Jean-Marie Lecomte, 2023, 234 pp, 20 €. Editions Noires Terres, 3, chemin de Jinsy, F-08430 Bouvellemont, Qui d’entre nous n’a caressé l’idée, à un moment ou l’autre de sa vie, de tenir un journal, à l’instar de Michel de Montaigne ? Mais soit le temps nous a manqué, ou l’envie s’en est effacée, ou encore une sorte de secrète pudeur a coupé court à ce beau projet ? Et pourtant, plus près de nous, c’est Camus qui disait : « L’homme doit dire qui il est, pour s‘aider luimême et aider les autres à vivre. » A condition, bien sûr, d’être vrai – sans quoi ce ne serait qu’un dérisoire masque de carnaval. « Larvatus prodeo, je m’avance masqué », disaient les Romains, ce qui serait confondre journal et carnaval. C’est ce dessein, assidument poursuivi, qui a donné lieu à Méandres, Brindilles, Glanes et Racines. Et pourquoi donc, cette fois, Les Brumes ? La quatrième de couverture nous l’explique joliment : « Car tout n’est pas clair et net. Les contours de la réalité ne sont pas bien définis. Ici règne la grisaille, à l’instar des brouillards de la Semois, ou Semoy. » L’auteur ne craint pas d’entraîner le lecteur dans les brumes des idées, des croyances, des sentiments et des émotions. Avec son sens des nuances, Jean-Pierre Lambot est fidèle à lui-même. Le cœur de Musette / ne savait pas chanter, / Les contremaîtres de la mine / L’auraient volontiers appelée sciante, / Mais la petite Musette / Allait glaner ses gaillettes, / Tout en pleurant sur le terril de l’Auflette / « Ne pleure plus jeunette, laisse là tes gaillettes, / Reviens avec ton charretier ! » Lès v’là totes. Si vous voulez savoir de quelle chanson de Brassens elles proviennent, vous n’avez qu’à acheter le livre. On pourrait en faire un concours, mais il n’y a rien d’autre à gagner qu’un peu de bon sens mêlé à un peu de tendresse : c’est la chose au monde la plus mal partagée. Et un grand merci, encore une fois, à JeanLuc Fauconnier, le maître d’œuvre de cette publication. Joseph Bodson.

11 Il revient assez fréquemment à une certaine lenteur qui lui est propre, dans les discussions comme dans le passage à l’acte d’écrire. Mais cette lenteur, bien loin d’être un défaut, est dans ce monde de l’instantané régi par le Livre Guiness des records, une qualité précieuse. Je dirais même volontiers qu’il s’agit là d’une qualité paysanne, et ardennaise, ce qui est doublement paysan. Cet homme en effet qui refait jour par jour la même promenade, comme Kant à Koenigsberg, et qui s’arrête en chemin pour attendre que le soleil dissipe le brouillard de sa vallée, cet homme à qui chacun des arbres de ses propriétés raconte une histoire, n’est pressé ni dans ses jugements, ni dans ses éloges. Qu’il s’agisse de Gabriel Matzneff ou de Jean Giono, il cherche à comprendre avant de juger. Les sujets de sa curiosité sont des plus variés : que ce soit l’évolution de la société, le déclin de la religion, la façon de concilier religion et francmaçonnerie, les risques de guerre ou les changements du climat, et puis surtout, ses amis les historiens, philosophes, écrivains, peintres, aussi bien proches que lointains (la lecture elle-même étant démarche d’ami, créatrice de liens…).N’ai-je rien oublié ? Si, bien sûr, l’attachement à notre langue paysanne, wallonne, gaumaise ou picarde, liée à ce mode de vie paysan qui était celui de nos villages… Dans notre course à l’argent, au confort, à la vie facile, ne laissons-nous pas aux ronces du chemin les plus belles pièces de notre habit ? Mais il est temps que je lui laisse la parole, ainsi, p.222 : « Certes, ce spectacle me réjouit, mais il y a aussi en moi le propriétaire de terres traversées par ces castors victorieux. Je contemple tristement mes aulnes et mes peupliers qui sont renversés, ainsi que mes bois qui font progressivement place à des plans d’eau. Comme le concluait le documentaire, il n’y a plus qu’une seule solution : il faut que l’homme apprenne à vivre avec le castor. » Et, p.218 : « Et puis, écrire me révèle souvent à moi-même, car mon porteplume m’échappe et se met à courir librement sur la feuille. Ainsi, une idée enclenche une autre, à laquelle je ne songeais d’abord nullement. Et pourtant, cette nouvelle idée, dont je ne connaissais rien, émane elle aussi, de mon propre esprit. » Et la suite de ce passage en constitue une fort belle illustration : « Dans la vallée de la Semois, rien – sinon une froidure qui pince le bout des doigts

12 – n’évoque la présence de l’hiver. Par contre, sur le plateau ardennais, aussitôt dépassé le carrefour de la Maltournée, entre Gros-Fays et Six-Planes, s’offre au regard éperdu la beauté blanche d’un immense paysage figé par le givre Au loin, d’un côté s’étendent la campagne de Cornimont et les bois de Vivy, tandis que de l’autre côté s’annoncent PetitFays et Monceau. » Voilà bien une blanche main qui se pose sur le bras qui tient la plume, et la plume entraînant l’idée, emmène le diariste loin du sentier qu’il suivait… Les photos de Jean-Marie Lecomte illustrent remarquablement ces propos. Ainsi, tenez, nous avons parlé de Giono, de la neige…Je me souviens d’avoir lu chez André Maurois le récit d’une conversation avec son maître Alain, à qui il avait confié son désir d’être écrivain. Alain lui conseilla simplement de prendre un cahier d’écolier, et d’y copier un roman dont il appréciait le style. J’ai suivi ce bel exemple, et recopié, à la plume ballon, un court roman de Giono que j’aimais beaucoup, Un roi sans divertissement. Du sang sur de la neige… Par rapport à la simple lecture, c’est un pays parcouru à pied, par rapport au même, sillonné en voiture. Et davantage de belles rencontres. Diable d’homme que Jean-Pierre Lambot ! Voilà qu’il m’a tout « emmacralé », et que je suis en train de suivre la trace de ses pas dans la neige ! Joseph Bodson

13 Comment inciter des enfants de 8 à 12 ans à apprendre et pratiquer une langue régionale ? STAGE POUR ANIMATEURS LES 2, 3 ET 4 AOUT 2024 Description : • Saisir toutes les opportunités au travers de chansons, comptines, poésies, portraits d’un fruit, d’un arbre ou d’un animal, pour écouter, dire, lire, chanter, écrire et découvrir le wallon central dans un cadre scolaire. • Les activités s’enchainent sous forme de courtes séances d’animation, ludiques et interdisciplinaires. • Outre le caractère divertissant de cette démarche, les textes seront aussi utilisés pour sensibiliser les participants aux règles de prononciation, d’orthographe, de grammaire et aux particularités d’une langue régionale. • Trois jours d’apprentissage intensif dans un espace enchanteur, écrin de verdure dédié à la découverte de la nature et à l’estime portée au wallon ! Programme : - Répertoire de chants traditionnels - Répertoire de chants originaux - Fabrication et pratique d’objets sonores - Manipulation de matières naturelles - Poésies originales & Poésies traduites et/ou adaptées - Textes courts et leurs exploitations :  Pokète èt Posko : un texte à récapitulation  Abèl èt Bèlina : une histoire pour illustrer deux fêtes calendaires - Portraits de sujets familiers et leurs exploitations Dynamique destinée à toute personne intéressée par le programme : « Langues et Cultures régionales en classe » Quand ? : Les 2, 3 et 4 août 2024 de 9h00 à 16H00 Où ? : Chaussée de Gramptinne, 70 à 5340 Faulx-les-Tombes (Gesves), dans l’atelier et sur le site de l’asbl CREE Coût : 50 euros Nombre de participants : 6 minimum & 10 maximum Contact & inscription : Joëlle SPIERKEL - 081/ 57 04 61 - creeasbl@outlook.be Comment inciter des enfants de 8 à 12 ans à apprendre et pratiquer une langue régionale ?

14 Tchin.ne dès Walons (3) Li province di Nameur (1) Après les provinces de Luxembourg et du Brabant, rendons-nous à mi-chemin dans celle de Namur et établissons un relevé des groupements, des manifestations, des enseignes, ... portant un nom en wallon. (Les dénominations reprises sont écrites en orthographe Feller. Les localités sont mentionnées dans la langue originelle la première fois qu’elles sont citées.) 1 Sur le plan culturel Le wallon central est assez homogène. Son vocabulaire, la plupart du temps commun à celui des 3 autres dialectes, est repris dans nombre de dictionnaires, dont les principaux sont le « Lexique namurois » de Lucien Léonard et du père Jean Guillaume, les lexiques wallonfrançais et français-wallon de Lucien Somme et de Chantal Denis, et les 6000 pages (!) manuscrites du dictionnaire fossois accompagné de centaines de spots (proverbes), rédigé par Auguste Lurquin au début du siècle dernier. En littérature, l’association des « Rèlîs Namurwès » (rèlîs, triés ; n. personnes à part) comprend de nombreux écrivains produisant des œuvres de grande qualité. Elle possède une revue, « Les Cahiers Wallons ». Des endroits portent le nom de certains auteurs : les rues Auguste Laloux (Dorinne / Dorène), Edmond Tillieux (Cognelée / Cognéye), les places André Henin (Gembloux / Djiblou) et Victor Collard (Dinant) ; l’espace Georges Smal dans l’ancienne gare d’Houyet (Houyèt), une plaque en l’honneur de Reynolds Hostin à Ciney (Cînè). A Namur (Nameur), sur un mur de la Maison de la Poésie figurent des poèmes gravés en wallon. Dans le domaine théâtral, au moins 28 troupes ont été relevées, dont 9 avec une dénomination wallonne : « Lès Vîs Cous’ di Sint-Djèf » (Morialmé / Moriamé), « Lès Djon.nes Tchats » (Vodecée / Vôdecêye), « Li Soce dès Falîjes » (Namêche / Namètche), « Li Soce dès Comédyins Fosswès » (Fosses-la-Ville / Fosse), « Lès Sîzeûs d’ Mèyan » (Méan), « Lès Novias Nûtons » (Flavion), « Lès P’tits d’ Sauvadje-In.ne » (troupe de jeunes aux Isnes / à l’ Sauvadje-In.ne), « Lès Vîs Paletots » (Laneffe / à l’ Nèfe), « Lès Lwagnes do l’ Lèsse » (Houyet) (lwagne, sot, niais (sic)). On compte deux grands festivals annuels, l’un à Ciney et l’autre à Namur, intitulé « Lès Plaîjis do Dîmègne ».

15 Le journal « Vers L’Avenir » publie chaque week-end la rubrique « Chîjes èt Paskéyes » qui a dépassé les 1000 numéros. Au niveau musical, qui ne connaît pas les chansons populaires « Li Bia Boukèt » et « Vîve Nameur po tot » ? Des musiciens chanteurs parcourent nos contrées, comme Xavier Bernier, la « Crapaude », Willy Marchal et Léon Jacot. Il existe trois groupes de danse : « Lès Mazwîs èt Cotelîs » de Jambes (Djambe) (mazwî, maître d’un petit domaine au Moyen Age ; cotelî, maraîcher), « Lès Walcotîs » (Walcourt / Walcoût), « Lès Djon.nes èt Vîs Tchapias » de Sauvenière (Sauvenêre). Le folklore y est en plein essor. Parmi les groupes carnavalesques portant un nom wallon se trouvent les « Chinèls » (groupe composé de « soces ») et les « Rodelindjes » (Fosses-la-Ville / Fosse) (one rodelindje, one djin qui cause su l’ dos dès-ôtes) avec leurs chants également en wallon, sans y oublier le retour des « omes di lêre » (en uniformes de sapeur couverts de feuilles de lierre), les « Djan-Djènes » de Vierves (Vièpe), les « Pwères » (Couvin), les « Soçons » (gilles de Sombreffe / Sombrèfe), les « Mamesèles » et les « Macrales » (Tamines / Tamène), les « Tètârds di Fârjole » (Falisolle) avec leur ‘goutte’, « li Spène di Purnèlî », les « Mougneûs d’ Coûtches di Dinant ». Les « Rimeûs » de Vierves se rendent dans les maisons de jeunes filles pour y prononcer leur sentence très comique en wallon. A Ermeton (Èrmèton), « li tchèsse aus macrales » bat son plein au beau milieu de l’hiver. Le mardi-gras, de petits « mascarâdes » défilent encore dans les rues de maintes localités, en quête de pièces de monnaie, de bonbons, d’œufs... mais cela se fait plus rarement pour des raisons de sécurité et de disponibilité des parents. On les retrouve avec les ‘grands’ dans les cortèges des « grands feus » (ou « grands fouyaus » (région de Meux / Meû)), disséminés partout dans la province, avec le plus connu, « li grand feu d’ Boudje » (Bouge)), ou lors des « tchèraudes » (dès p’tits feus). Des groupes de dévoués s’occupent de les organiser, comme les « Riboteûs » à Bonneville. Lors de défilés, on trouve des géants avec une dénomination wallonne : « Minouche » et « Minouchète » (Heersur-Meuse / Hêr) et leurs 6 enfants, « Tchirou » et « Piconète » à Gembloux, « Pimpurniau, l’ Mârchau » (le forgeron), « Batisse » (Baptiste) et « Lisa » à Tamines, « Pa èt Ma » (Moustier / Moustî), « Djan l’ Porion » et « Marîye dè l’ Potéye » (Auvelais / Auvelès), « Guinguèt » et « Cafonète » (Dinant), « Tètèche Paukin » (Profondeville / Pârfondevîye), « lèsaurdjouwants (géants) Goliat’ èt s’ feume » ( N a m u r ) , « Skirlou, l’ fis da Ayète èt da Hiacinte » (Houyet), « li macrale C a t e r i n e Prunèt » à Lonzée (Lonzéye), « Trichou » et « Trichounète » à Sauvenière. La saison des kermesses couvre grosso modo les mois de mai à septembre. A Couvin, « li Dicauce dès Bos », à Pesche (Pèche), celle des « Pwères », la « Dicauce dè l’ Boverîye » à Belgrade (Bèlgrâde), des « Sârpètes di Bauce » (Malonne / Malon.

16 Introduction à une étude comparative “This is a well-known phenomenon: all speakers of minority languages (in comparative terms!) tend to learn foreign languages more readily.” J. Van Roey, directeur de l’Institut des Langues Vivantes “L’ensemble des dialectes wallons forme une unité linguistique d’un ordre supérieur. On peut convenir d’appeler cette unité langue wallonne ou wallon.” Jules Feller, in : Notes de dialectologie wallonne, 1912, Liège, p.8 LE WALLON, CARREFOUR LINGUISTISQUE DE L’EUROPE La langue wallonne est le carrefour linguistique de l'Europe entre les langues germaniques et ses soeurs romanes. En lisant le « Dictionnaire des formes analogues en 7 langues (latin, italien, espagnol, français, anglais, néerlandais et allemand) » de Raymond Geysen, il appert que le français et l’anglais sont les langues de liaison entre toutes ces langues. Mais si l’on prend le temps d’insérer les formes wallonnes correspondantes, il semble que la langue wallonne est bien plus le trait d’union entre toutes ces langues, quant à la syntaxe, la sémantique, la morphologie et la phonologie. ne), des « Vîs Tchapias » (Sauvenière), des « Gadîs » (Aisemont / Inzès-Monts), « li Fièsse aus Boscayes » (Eghezée / Inguèzéye), « èl Ducace d’ èl Coupète » (Villers-le-Gambon / Vilé-l’-Gambon), « li Fièsse dès Boûs » (Sautour / Sautou). Les festivités dans 7 villages proches de Fosses-laVille s’achèvent par le cortège de la « Limotche » (une vache portée par des personnes, toujours assoiffée !) ou « Lumerodje » (à Presles / Prêle, dont une copie est visible au milieu d’un rondpoint). A Bambois (Li Banbwès), le groupe possède un répertoire de chansons en wallon. Enfin, à Spontin, le comité organisateur s’appelle « Li Bia Spontin ». (à sûre / à suivre)

17 INTERLINGUISTIQUE Dans le cadre de la branche appelée pour la première fois « interlinguistique » par le linguiste danois Otto Jespersen (1860-1943), une étude scientifique approfondie pourrait faire apparaître cette propriété extrinsèque de la langue wallonne utilisée par une population qui n’est d’ailleurs jamais restée refermée sur elle-même. De tous temps, les habitants de la partie wallonne du pays ont été en contact avec des personnes s’exprimant dans d’autres langues et naguère, à Gueuzaine (en wallon : Gueûzéne), près de Malmedy, on entendait encore les petites filles réciter des comptines trilingues (wallon, allemand, français) et les marchands de Bastogne se recommander en allemand à la clientèle du pays des « Tiches » (personnes de langue germanique). LANGUES ROMANES ET GERMANIQUES Entre le wallon et le français existent 334 différences syntaxiques, 47 morphologiques, 36 phonologiques, sans oublier 49 variantes sémantiques fondamentales. Parmi les premiers à faire entrer la langue wallonne dans la « cour des grands », Léon Warnant, professeur à l’ULG, arrivait à la conclusion suivante dans une étude très fournie intitulée « La constitution phonique du mot wallon » (1956) : « Nous pouvons, d’autre part, confronter la fréquence des monosyllabes en wallon, en français en anglais et en allemand : Comme on le constate, le pourcentage propre au wallon est supérieur à celui de l’anglais, pour lequel on parle de tendance au monosyllabisme. » (p.138) Un philologue wallon, Roger Viroux, pour sa part a constaté la richesse phonologique du wallon: on y trouve 43 sons et diphtongues, c’est-à-dire 7 de plus qu’en français: ex. en w.: trêze (13), mi (moi) (en anglais: until), tchôd (chaud), houbion (houblon) (le ‘h’ de ‘Honda’ en japonais), åbe (un arbre) (c’est le ‘å’ liégeois qu’on retrouve dans ‘Aarhus’, grande ville du Danemark), mohe (mouche en liégeois) (le ‘j’ de Juan en espagnol), walon (bilabial comme en anglais ‘wild’ (sauvage)), eûwe (eau en namurois), tchèrète (charrette) (comme en tchèque), djeu (jeu) (comme en italien ‘giocare’ (jouer)); le français en possède 2 qui sont inconnus en wallon: le ‘eu’ de beurre, et le ‘ou’ de oui. A la lisière des contrées germaniques, pour toutes sortes de raisons économiques et politiques, le wallon a subi des influences de l’allemand et du néerlandais. Comme l’anglais est leur langue soeur, influencée par les langues romanes et parfois proche du picard (comme dans ‘car’ (auto) qui voulait dire ‘char’ (cf le “Câr d’Ôr” du folklore montois en borain)), il n’était pas difficile de trouver des ressemblances entre le wallon et cette dernière.

18 Soutenez l’action de l’Union Culturelle Wallonne en rejoignant les quatre mille abonnés de COCORICO Magazine du bilinguisme wallon 4 numéros par an : 10,00 € A verser sur le compte BE90-0012-7404-0032 de l’UCW Editions N.B. Comparées à ces langues, certaines combinaisons sont même typiquement wallonnes. Dans les domaines de la morphologie, de la sémantique et de la syntaxe, voici quelques exemples présentant un certain intérêt pédagogique. Les cas présentés ici isolément peuvent parfois se retrouver dans plusieurs langues à la fois. Pour tout un chacun, la partie la plus visible d’une langue est sa phonologie. Ainsi, on remarque qu’en début de mot, le wallon possède toutes les combinaisons existant en français, sauf ‘blw’ et ‘grw’ comme dans ‘Blois’ et ‘groin’, plus d’autres que l’on retrouve dans une, deux ou les trois langues germaniques voisines. En voici quelques exemples, hormis des emprunts comme skate-board, ... :

19 Finaliste du 87ème GPRA "C’èst co mîs d’ l’après-non.ne" De Ray COONEY adapté en wallon par Isabelle GEUZAINE Samedi 1er Juin à 15h00 au Trianon Rue Surlet 20 – 4020 Liège Infos /Réservations au Trianon : 04/342.40.00

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